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Dans la partie nord de la Bulgarie, région la plus pauvre de l'Union européenne (UE), les habitants redoutent l'adoption imminente de l'euro, synonyme pour eux de hausse des prix et de perte de repères.
"Cela va nous appauvrir", tranche une femme âgée habillée en noir à Chuprene, village de 400 âmes situé dans le nord-ouest du 21e pays de l'UE qui va abandonner sa monnaie nationale pour adopter l'euro le 1er janvier prochain.
"La bourgade est jolie, mais ici les gens n'ont pas d'argent", déplore Mme Bogdanovska, une octogénaire qui ne veut donner que son nom de famille, mais qui a répondu aux questions de l'AFP en allant à chercher un café dans une épicerie-buvette.
Si l'adhésion tant attendue à la zone euro va profiter à l'économie du pays des Balkans, dont la côte sur la mer Noire est prisée des touristes européens, l'ensemble de ses 6,4 millions d'habitants ne partage pas le même enthousiasme.
Près des frontières serbe et roumaine, le produit intérieur brut (PIB) par habitant est le plus faible de toute l'UE, selon les derniers chiffres d'Eurostat datant de 2022.
Ce territoire souffre d'une dépopulation massive, d'une faible qualification et d'infrastructures insuffisantes, en plus d'une corruption endémique dénoncée régulièrement.
La Bulgarie reste le pays de l’UE avec la plus forte proportion de personnes menacées d’exclusion sociale (30,3 %).
Au pied du massif de la Stara Planina, le chômage touche officiellement 18,7% de la population, contre 4,2% au niveau national.
"Certains disent que cela ira mieux" sans le lev, la monnaie nationale, "d'autres disent que cela sera pire", rapporte Kamelia, employée dans l'une des échoppes vendant surtout des produits de première nécessité.
La trentenaire, qui ne veut donner ni son nom ni son âge précis, raconte qu’elle et son mari ont repris ce magasin il y a un an. "Mais je ne sais pas s'il restera ouvert", lance-t-elle, pressée de sortir fumer.
- Crainte de pénurie -
Pendant un mois, le lev et l’euro circuleront simultanément. Les commerçants devront rendre la monnaie en euros.
Ils peuvent déjà acheter des petites coupures pour faire l'appoint au démarrage et se sont rués sur l'offre de paquets d'euros, réservés aux commerçants.
"Dans les petites villes, une crainte non justifiée de pénurie est constatée", selon le gouverneur de la banque centrale bulgare Dimitar Radev, qui l'a déploré lors d'une cérémonie début décembre.
Le défenseur des droits a demandé un égal accès pour tous aux premières pièces et aux premiers billets en euro, même dans les localités les plus isolées, alors que les autorités ont été surprises par une forte demande.
"Ça va être le chaos", prédit l'épicière Bilyana Nikolova, 53 ans, alors que les clients semblent déjà perdus face au double affichage obligatoire des prix. Elle pense fermer quelques semaines, "le temps que les choses se mettent en place".
Si les consommateurs sont sur les nerfs, c'est que la peur de ne plus joindre les deux bouts est bien réelle, selon Boryana Dimitrova, de l’institut de sondage Alpha Research, qui étudie depuis un an l’évolution de l'opinion bulgare face à l’euro.
"A la campagne, la population est plus âgée, elle a très peu d'économies, jouit d'une culture financière plus faible et paye surtout en espèces", explique-t-elle.
Or "il faut reconnaître que la hausse des prix n’a pas été négligeable" ces derniers temps, d'après l’Institut national des statistiques, rappelle-t-elle.
En novembre, les prix de l’alimentation ont augmenté de 5% en glissement annuel, soit plus du double de la moyenne européenne.
M.Ito--JT